Land Art : Etre au présent

Il m’arrive assez souvent au cours d’une réalisation d’être déviée de ma trajectoire par un objet : une branche… un cailloux dans l’eau… que je vois tout à coup d’une autre manière. Un élément naturel se présente et s’impose à moi. Je « laisse » alors l’oeuvre en cours pour porter mon attention sur cet aléas, sur ce qui vient « perturber » mon regard, le modifier. Et c’est souvent une pépite. Alors ?…

– Soit ma trajectoire est définitivement bouleversée et je me laisse alors emporter par autre élan,
– Soit « l’objet » s’intègre et complète la réalisation en cours, une véritable osmose s’opère.

Faire cela demande une présence au lieu et au moment. L’esprit est présent à ce qu’il fait « ici et maintenant » et se laisse porter plutôt que de diriger. Le cerveau limbique semble avoir pris la main et être en paix avec le cortex qui lui laisse les rennes. C’est une sensation étrange et merveilleuse qui trouve son apogée lorsqu’apparaît la réalisation, sa beauté, sa simplicité.

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C’est ce qui m’est arrivé lors de cette réalisation. Je « plantais » dans la rivière des racines d’arbres coupées, tordues, noircies par les mois passés sous l’eau quand en me retournant pour aller ramasser une nouvelle racine, j’ai aperçu cette pierre. J’y voyais un visage. Un peu comme Michel-Ange, j’ai sorti l’ange de la pierre. En ajoutant ce petit cailloux : tout était là. Depuis, je ne l’ai plus jamais revu ce visage.

Je retrouve cette attitude lorsque j’écoute et surtout je m’écoute. Non pas sur mes idées, sur les pensées qui me traversent l’esprit mais sur mes émotions, ce que je ressens, lorsque je porte attention à mon corps, lorsque j’identifie ce qui se passe… alors, en me laissant porter par ce ressenti je prend des chemins nouveaux non seulement pour moi mais aussi pour ceux qui m’entourent.

Se laisser surprendre et prendre

Partie, comme d’habitude le nez au vent, me promener avec mon labrador chocolat, j’ai commencé à ramasser des feuilles de cerisiers dont les teintes variaient entre le jaune, rouge, vert et marron.


 Elles n’étaient pas abimées, juste un peu fatiguées et encore humides de leur bain de rosée. Je m’attarde à les ramasser. Le soleil est doux. A ce moment là, je suis moins attentive aux couleurs et à leur beauté qu’à la quantité et au futur projet.
Me voilà repartie avec ce petit paquet de feuilles entre les doigts, quand je suis encore arrêtée par d’autres feuilles, d’autres teintes d’automnes rousses et rouges. Les feuilles de ronces… Là, c’est une toute autre affaire ! Je « chausse » des gants pour ramasser quelques beaux exemplaires… Ces feuilles éclatantes sont encore assez rares autour de moi. Me voilà riche de deux petits paquets de feuilles d’automne. Je poursuis mon chemin, des idées me viennent pour une réalisation future au bord de la rivière. Je commence alors à élaborer mentalement mon projet, à esquisser un résultat et chercher la manière de mettre en oeuvre…
Perdue dans mes élucubrations, je vois tout à coup plusieurs rideaux de feuilles d’Iris sur le côté marécageux du chemin. Je m’arrête, je regarde : c’est beau. Le soleil vient rehausser ce vert tendre et le mettre en scène ! Moi qui ne regardais que les couleurs de l’automne, voilà que la nature me dit « pas trop vite ! ». L’esprit fait le reste du chemin, et l’idée qui émerge me surprend : associer ces couleurs, jouer de l’automne en été, mettre en valeur ces feuilles rousses comme des papillons en été. Je suis légère et heureuse au moment de la réalisation. Comme d’habitude, les aléas du chemin ont fait bouger, évoluer les objectifs de départ. Puis-je garder cette capacité à me laisser surprendre et prendre dans ma vie, et surtout ma vie professionnelle ? Là, il y a encore du chemin !papillons 2papillons 3